Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/116

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toit que de tempérament, et d’un tempérament un peu déréglé, elle ne s’est pas tournée en estime pour la profession des armes, lorsqu’il avoit occasion de s’expliquer sur ce qu’il en pensoit. C’est ce qu’il a fait connoître à l’un de ses amis en ces termes. Bien que la coûtume, dit-il, et l’exemple fassent estimer le métier de la guerre comme le plus noble de tous : pour moy, qui le considére en philosophe, je ne l’estime qu’autant qu’il vaut, et même j’ay bien de la peine à luy donner place entre les professions honorables ; voyant que l’oisiveté et le libertinage sont les deux principaux motifs qui y portent aujourd’huy la plûpart des hommes.

Il parloit de la sorte sur l’expérience qu’il avoit des autres. Car pour luy il se montra toûjours grand adversaire de l’oisiveté et du libertinage, soit dans ses occupations militaires ausquelles il apportoit toute l’assiduité du plus ardent des soldats, soit dans le loisir que luy laissoient ses fonctions, et qu’il emploioit à l’étude, lorsque les autres le donnoient à la débauche. Sur les preuves qu’il a données en quelques rencontres imprévûës de son courage et de sa conduite, on croira sans peine les auteurs qui prétendent que son épée luy a acquis la réputation de brave, quoy qu’il n’aspirât nullement à cette gloire.

Mais on ne croira jamais le Sieur Borel, qui avance que M Descartes s’est trouvé par deux fois au siége de Bréda, lorsqu’on sçaura qu’il n’a été que deux ans en Hollande pour cette fois, et que la ville de Bréda n’a souffert aucun siége pendant cét intervalle où l’on jouïssoit encore de la tréve. Depuis l’an 1590 que cette ville avoit été prise par le prince Maurice, elle demeura sous la puissance des etats jusqu’en 1625 que le Marquis De Spinola la remit sous la domination espagnole aprés un siége de prés de dix mois : et elle ne fut reprise par les hollandois que l’an 1637.

Cette ville étoit donc dans un repos entier sous le gouvernement du Prince Maurice pendant les deux années que M Descartes porta les armes en Hollande ; et cette tranquillité donnoit lieu aux curieux d’y venir pour voir la cour du prince, et les ouvrages des mathématiciens et des ingénieurs qui travailloient sous luy. Ce fut à de semblables rencontres que M Descartes se trouva redevable de la connoissance et de l’amitié du Sieur Isaac Béeckman. Cét homme versé dans la philosophie et les mathématiques,