Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/93

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les autres. Aiant un bon naturel et une humeur facile et accommodante, il ne fut jamais gêné dans la soumission parfaite qu’il avoit pour la volonté de ses régens et de ses préfets : et l’assiduité scrupuleuse qu’il apportoit à ses devoirs de classe et de chambre ne luy coûtoit rien.

Avec ces heureuses dispositions, il fit de grands progrez dans la connoissance des deux langues : et il a témoigné en avoir compris de bonne heure l’importance et la nécessité pour l’intelligence des livres anciens.

Il aimoit les vers beaucoup plus que ne pourroient se l’imaginer ceux qui ne le considérent que comme un philosophe qui auroit renoncé à la bagatelle. Il avoit même du talent pour la poësie, aux douceurs de laquelle il a déclaré qu’il n’étoit pas insensible, et dont il a fait voir qu’il n’ignoroit pas les délicatesses. Il n’y renonça pas même au sortir du collége, et l’on sera surpris d’apprendre qu’il finit les compositions de sa vie par des vers françois qu’il fit à la cour de Suéde, peu de tems avant sa mort.

Il avoit trouvé aussi beaucoup de plaisir à la connoissance des fables de l’antiquité, non pas tant à cause des mystéres de physique ou de morale qu’elles peuvent renfermer, que parce qu’elles contribuoient à luy réveiller l’esprit par leur gentillesse.

Il n’avoit pas moins d’estime pour l’eloquence, que d’amour pour la poësie : mais nous ne voyons pas qu’il ait donné aux éxercices de la rhétorique d’autre tems que celuy de la classe. Il s’étoit mis en téte dés lors, que l’eloquence comme la poësie étoit un don de l’esprit plutôt que le fruit de l’étude. Ceux, dit-il, qui ont le raisonnement le plus fort, et qui digérent le mieux leurs pensées afin de les rendre claires et intelligibles, peuvent toûjours le mieux persuader ce qu’ils proposent, encore qu’ils ne parlassent que bas-breton, et qu’ils n’eussent jamais appris de rhétorique. Et ceux qui ont les inventions les plus agréables, et qui les sçavent exprimer avec le plus d’ornement et de douceur, ne laisseroient pas d’être les meilleurs poëtes, encore que l’art poëtique leur fût inconnu.

Il avoit pour l’histoire toute l’inclination que peut donner la curiosité naturelle que l’on a de connoître l’état de ses semblables. Il sentoit dés