Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/99

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par ordre, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisez à connoître, pour monter par dégrez jusqu’à la connoissance des plus composez. La quatriéme, de ne rien omettre dans le dénombrement des choses dont il devoit éxaminer les parties.

La morale qu’il étudia dans le collége ne lui fut pas entiérement inutile dans la suite de sa vie. C’est peut-être aux effets de cette étude qu’on pourroit rapporter les desirs qu’il a eus dans le têms de ses irrésolutions, de consacrer toute sa vie à la science de bien vivre avec Dieu et avec son prochain, en renoncant à toute autre connoissance. Au moins avoit-il appris dans cette morale à considérer les ecrits des anciens payens comme des palais superbes et magnifiques qui ne sont bâtis que sur du sable et sur de la bouë. Il remarqua dés-lors que ces anciens dans leur morale élévent fort haut les vertus, et les font paroître estimables au dessus de tout ce qu’il y a dans le monde : mais qu’ils n’enseignent pas assez à les connoître ; et que ce qu’ils appellent d’un si beau nom n’est souvent qu’une insensibilité, un orgueil, un desespoir, un parricide. Mais nous ne sçavons pas si c’est à la morale scholastique de ses maîtres qu’il étoit redevable des quatre maximes dans laquelle il a fait consister toute la sienne. La prémiére de ces maximes étoit d’obéir aux loix et aux coutûmes de son pays, retenant constamment la religion dans laquelle Dieu l’avoit fait naître. La seconde, d’être ferme et résolu dans ses actions, et de suivre aussi constamment les opinions les plus douteuses lors qu’il s’y seroit une fois déterminé, que si elles étoient tres-assurées. La troisiéme, de travailler à se vaincre soi-même plûtôt que la fortune, à changer ses désirs plûtôt que l’ordre du monde, et à se persuader que rien n’est entiérement en nôtre pouvoir que nos pensées. La quatriéme, de faire choix, s’il le pouvoit, de la meilleure des occupations qui font agir les hommes en cette vie : et de se déterminer sans blâmer les autres, à celle de cultiver sa raison, et d’avancer dans la connoissance de la vérité autant qu’il lui seroit possible.