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CHAPITRE V

PENDANT TROIS CENT QUARANTE ANS, L’HONORABLE MAISON CAPÉTIENNE RÈGNE DE PÈRE EN FILS


Les premiers règnes furent sans éclat. Pendant une centaine d’années, cette royauté fit petite figure. Quel domaine étroit ! Avec Paris pour centre, ses principales villes étaient Orléans, Étampes, Melun, Dreux, Poissy, Compiègne et Montreuil-sur-Mer. C’était à peu près tout ce que le roi possédait en propre, et maints châteaux forts, au milieu de ses terres, abritaient encore des seigneurs qui le bravaient. Comme chef féodal et duc de France, le roi avait pour vassaux directs les comtes de Blois, d’Anjou et du Maine et les comtes bretons du Mans et de Rennes pour arrière-vassaux. Huit grands fiefs, relevant nominalement de la couronne, indépendants en fait, se partageaient le reste du territoire, si étroitement borné à l’Est par l’Empire germanique qu’il ne touchait même pas partout au Rhône et que ni Lyon, ni Bar-le-Duc, ni Cambrai, pour ne citer que ces villes, n’en faisaient partie.

Les huit grands fiefs étaient ceux de Flandre, de Normandie, de Bourgogne, de Guyenne, de Gascogne, de Toulouse, de Gothie (Narbonne, Nîmes) et de Barcelone : la suzeraineté capétienne sur ces duchés et ces marches venait de l’héritage des Carolingiens. C’était un titre juridique qu’il restait à réaliser et qui ne le serait jamais partout. En fait, les grands vassaux étaient maîtres chez eux.

La dignité royale et l’onction du sacre qui entraînait l’alliance de l’Église, une vague tradition de l’unité personnifiée par le roi : c’était toute la supériorité des Capétiens. Ils y joignaient l’avantage, qui ne serait senti qu’à la longue, de résider au