Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/44

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blique fédérative sous la présidence impériale. » Ces Empereurs, qui se réclamaient des Césars et de Charlemagne, n’étaient que les présidents élus de cette République et leur fonction eut une tendance croissante à ne plus être que décorative.

Malgré tous leurs efforts, malgré leurs violences ou leurs subterfuges, les Empereurs ne parvinrent jamais à s’affranchir de l’élection. Ils réussirent quelquefois à en faire une simple formalité. Jamais ils ne purent l’abolir. « Le point culminant du droit de l’Empire, disaient les autorités de la science juridique allemande, est réputé consister en ceci que les rois ne sont pas créés par la parenté du sang mais par le vote des princes. » L’élection des Empereurs avait beau n’appartenir qu’à un très petit nombre de votants, le principe électif n’en portait pas moins ses fruits. Il n’y avait que sept électeurs, le collège électoral le plus restreint qu’on ait jamais vu. Pourtant, les effets de ce suffrage si sévèrement restreint furent les mêmes que ceux dont on accuse le suffrage universel dans les démocraties. C’est un exemple qui prouve jusqu’à l’évidence que l’élection est pernicieuse en elle-même et non par ses modalités.

Marchandage électoral, brigue, corruption, trafic des bulletins de vote, non seulement ces menues tares se retrouvent dans les mœurs politiques du Saint-Empire : on y voit encore ce qui a été si souvent reproché en France au « scrutin d’arrondissement », c’est-à-dire la subordination de l’intérêt public aux intérêts particuliers, et la surenchère. Chaque élection fut un assaut de convoitises. Chez les électeurs, comme chez l’élu, les calculs personnels dominèrent. Les électeurs avaient beau s’appeler les sept flambeaux mystiques du Saint-Empire, se comparer aux sept lampes de l’Apocalypse : ils se servaient de leur droit de suffrage pour imposer leurs conditions aux candidats, obtenir des avantages matériels, lorsqu’ils ne monnayaient pas leur bulletin de vote. Quant à l’élu obligé de se comporter comme un candidat vulgaire avant l’élection, c’est-à-dire obligé de promettre et de donner, il ne songeait, une fois le mandat obtenu, qu’à se dédommager de ses sacrifices et à rentrer dans ses frais. L’Empereur, cette « moitié de Dieu », agissait exactement comme un de nos députés de sous-préfecture. L’historien anglais James Bryce, qui a étudié de près les