Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/78

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lation, de l’organisation de la société, et que, ne s’inspirant que du plus pur amour de la vérité, elle ne lui dicte que des lois absolument conformes aux plus récentes découvertes de la science. Eh bien, je prétends, moi, que cette législation et cette organisation seront une monstruosité, et cela pour deux raisons. La première, c’est que la science humaine est toujours nécessairement imparfaite, et que, en comparant ce qu’elle a découvert avec ce qu’il lui reste à découvrir, on peut dire qu’elle est toujours à son berceau. De sorte que si on voulait forcer la vie pratique, tant collective qu’individuelle, des hommes, à se conformer strictement, exclusivement, aux dernières données de la science, on condamnerait la société aussi bien que les individus à souffrir le martyre sur un lit de Procuste, qui finirait bientôt par les disloquer et par les étouffer, la vie restant toujours infiniment plus large que la science.

La seconde raison est celle-ci : une société qui obéirait à une législation émanée d’une académie scientifique, non parce qu’elle en aurait compris elle-même le caractère rationnel, auquel cas l’existence de l’académie deviendrait inutile, mais parce que cette législation, émanant de cette académie, s’imposerait au nom d’une science qu’on vénérerait sans la comprendre, — une telle société serait une société non d’hommes, mais de brutes. Ce serait une seconde édition de cette pauvre république du Paraguay qui se laissa gouverner si longtemps |177 par la