Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/40

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tional, cette énergie, cet héroïsme, cette audace française, qui par l’immortelle révolution de 1793 ont démoli l’infâme prison du moyen âge et ont ouvert à toutes les nations un monde nouveau de liberté, d’égalité et de fraternité, [n’existent plus ; que les Français[1]] se sont tellement avilis à présent et sont devenus tellement incapables de vouloir, d’oser, de lutter et de vivre, qu’il ne leur reste rien de mieux à faire que de se coucher, comme des esclaves, au seuil même de ce monde, sous les pieds d’un ministre prussien.

Je ne suis point nationaliste du tout. Je déteste même, de toute l’énergie de mon cœur, le soi-disant principe des nationalités et des races que les Napoléon III, les Bismarck et les empereurs de Russie ont mis en avant, rien que pour détruire en leur nom la liberté de toutes les nations. Le patriotisme bourgeois n’est à mes yeux qu’une passion très mesquine, très étroite, très intéressée surtout, et foncièrement anti-humaine, n’ayant pour objet que la conservation et la puissance de l’État national, c’est-à-dire le maintien de tous les privilèges exploiteurs au milieu d’une nation. Quand les masses populaires sont patriotiques, elles sont bêtes, comme le sont aujour-

  1. Dans le manuscrit, après les mots « d’égalité et de fraternité », la phrase continue directement par : « qu’ils se sont tellement avilis », — « qu’ils » se rapportant à un mot « les Français » sous-entendu. Pour la clarté du sens, j’introduis dans la phrase les cinq mots placés entre crochets, comme je l’eusse fait en 1870, si j’avais eu à imprimer ce manuscrit à cette époque. — J. G.