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L’HOMME DE COUR

Quelques-uns n’arrivent jamais à ce point, il leur manque toujours je ne sais quoi ; et d’autres n’y arrivent que tard.

VII

Se bien garder de vaincre son maître.

Toute supériorité est odieuse ; mais celle d’un sujet sur son prince est toujours folle, ou fatale. L’homme adroit cache des avantages vulgaires, ainsi qu’une femme modeste déguise sa beauté sous un habit négligé. Il se trouvera bien qui voudra céder en bonne fortune, et en belle humeur ; mais personne qui veuille céder en esprit, encore moins un souverain. L’esprit est le roi des attributs, et, par conséquent, chaque offense qu’on lui fait est un crime de lèse-majesté. Les souverains le veulent être en tout ce qui est le plus éminent. Les princes veulent bien être aidés, mais non surpassés. Ceux qui les conseillent doivent parler comme des gens qui les font souvenir de ce qu’ils oubliaient, et non point comme leur enseignant ce qu’ils ne savaient pas. C’est une leçon que nous font les astres qui, bien qu’ils soient les enfants du soleil, et tout brillants, ne paraissent jamais en sa compagnie.

VIII

L’homme qui ne se passionne jamais.

C’est la marque de la plus grande sublimité d’esprit, puisque c’est par là que l’homme se met