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le sang de la coupe

Les grands types qu’il nous fait voir
Vivants, dans ses portraits magiques,
Sont terribles sans le savoir,
Et plus sûrs de nous émouvoir
Que tous les demi-dieux tragiques.

Le vice, qu’il est parvenu
À nous faire voir si risible,
Nous frappe d’un trouble inconnu ;
Tant le cœur humain mis à nu
Devient un spectacle terrible.

Cœur divin et supérieur
À toute haine vengeresse,
Souvent son visage rieur
N’est que le masque extérieur
D’une inconsolable tristesse.

S’il m’a fait sourire, en souffrant,
D’un amour qui, par ses alarmes,
Est si ridicule et si grand,
Arnolphe, aux pieds d’Agnès pleurant,
Me contraint de verser des larmes.

Quand l’Avare blessé grandit
Et s’en va battant les murailles,
Méprisé d’un fils qu’il maudit,
Harpagon me laisse interdit
Et fait frissonner mes entrailles.