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le sang de la coupe

Et ce fut une joie immense, un pur délire,
Et sur la scène, hier morne et déserte, hélas !
Reparurent divins, avec leur chant de lyre,
Hernani, Marion Delorme, et toi, Ruy Blas !

Et nous-mêmes, dont l’âme à la Muse se livre,
Apportant nos efforts, nos cœurs, nos humbles voix,
Nous avons évoqué le drame et le grand livre
Que tu viens d’applaudir pour la centième fois !

Ô peuple ! que la foi, la vertu, la bravoure
Charment, quand ton Orphée avec ses rimes d’or
Te prodigue l’ivresse adorable, savoure
Cette ambroisie, et toi, poëte, chante encor !

Homère d’un héros divin, plus grand qu’Achille,
Sous le tragique azur empli d’astres et d’yeux
Chante ! et console encor ton Prométhée, Eschyle,
Sur le rocher sanglant où l’insultent les Dieux !

Parle ! grand exilé que la souffrance attire
Et qui ne consens pas à la Fatalité,
Vaincu prodigieux sacré par le martyre,
Génie entré vivant dans l’immortalité !