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le sang de la coupe

L’Aurore, rougissant de paraître sans voiles,
Montra son front semblable à des rosiers fleuris,
Le mortel, ignorant où l’entraînaient ses fraudes,
Lança le char divin constellé d’émeraudes.

Bientôt, habitués à de plus fortes mains,
Les chevaux du Soleil s’écartent de la route.
Phaëton, étranger aux célestes chemins,
Tressaille, et de terreur son âme s’emplit toute.
Il voit les monts s’ouvrir, les fleuves se sécher,
Les forêts devenir un immense bûcher,
Et comme des flambeaux se consumer les astres.
Alors la Terre énorme, en proie à ces désastres,
Supplia Zeus vengeur dans les cieux étoilés,
Déplorable, et montrant sa tête flamboyante,
Son vaste sein tari, ses grands cheveux brûlés,
Et ses os de rochers fondus en lave ardente.

Zeus irrité lança du haut du ciel vermeil
Sa foudre sur le char enflammé du Soleil.
Laissant derrière lui des sillons de lumière,
Phaëton s’abîma dans le vaste Éridan.
Telle du vaste azur tombe au fleuve Océan
Une étoile, ravie à sa splendeur première.
Sur un lit de roseaux le cadavre meurtri
Fut lavé par les mains des tristes Hélïades
Avec les eaux du ciel et les pleurs des Hyades.
Phœbos en fut ému ; de leur front tout flétri