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le sang de la coupe

Lorsque ta mère Hécube, avec un doux espoir,
Te portait dans son sein, un songe lui fit voir
Un flambeau sortir d’elle et mettre en feu l’Asie.
Et, sitôt que du jour tu goûtas l’ambroisie,
Tu fus dans ces grands bois, par tes frères jaloux,
Exposé sans défense aux morsures des loups.
Mais moi, dans ma pitié, sur des tapis de mousse
J’ai recueilli d’abord ton enfance humble et douce ;
Et, tu le sais, berger, plus tard, quand tu revins,
Heureuse, et frappant l’herbe avec mes pieds divins,
J’ai, la robe flottante et le front ceint de lierre,
Conduit sous ces grands bois ma danse régulière.

Puisque je veille ainsi, comme sur des trésors,
Sur ta calme beauté, dors, ô bel enfant ! dors.
Que le vague Morphée en songe t’émerveille !
Mais sa paupière s’ouvre, ô mes sœurs, il s’éveille :
Comme au sortir d’un rêve, il pâlit, et ses yeux,
Levés languissamment vers l’abîme des cieux,
Semblent y contempler des formes inconnues.
Quels chars éblouissants sortent du sein des nues ?
Quelles divinités quittent le ciel serein ?
C’est la sage Hèra, Pallas au cœur d’airain,
Dont le lourd bouclier brille parmi les ombres,
Et Cypris aux yeux noirs, amante des nuits sombres.

Pâris.

Mes sœurs, vous qui dansez au fond des bois épais,
Ou qui cherchez dans l’ombre une amoureuse paix,