Page:Banville - Œuvres, Le Sang de la coupe, 1890.djvu/171

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
161
le sang de la coupe

Les Voyageurs

Couvertes de haillons, deux vierges magnifiques,
À la démarche svelte, au regard ingénu,
Vont par les carrefours et les places publiques,
Les cheveux dénoués et le sein demi-nu.

Toutes les deux font voir à la foule profonde
Le fier sourire fait pour les éternités,
La prunelle céleste et la crinière blonde
Et le port qui convient à des divinités.

Près d’elles, et parfois leur prêtant son épaule,
Les nommant tour à tour l’une et l’autre : ma sœur,
Passe, le front plus pur que les neiges du pôle,
Un grave adolescent en habit de chasseur.

Il les console ainsi : Courage, ô mes compagnes !
Bientôt dans les parfums nos pieds seront lavés.
Après tant de forêts, de champs et de campagnes,
Voici Paris sans doute, et nous sommes sauvés.