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le sang de la coupe

Si les marbres sacrés ravis au Parthénon
Dans leur blancheur pareille à mon berceau d’écume,
Flétris par le marteau, blessés par le canon,
Tombent à des marchands courbés sur une enclume,
Dans une île barbare, au milieu de la brume,
Que t’importe ! éblouis ! remplis tout de ton nom !

Montre le dur métal dont tu fais des récoltes !
Mets-le sur tes frontons et sur tes archivoltes !
Fais-en l’âme et le sang des machines de fer
Qui par leurs dents de fonte et leur souffle d’enfer
Dompteront la nature et vaincront ses révoltes,
Et dont les noirs sanglots étoufferont l’éclair.

Par ces gueules de flamme à ta voix apparues,
Tu régneras. Commande, elles domineront
Le tonnerre et l’orage, acharnés sur ton front.
Tu peux les laisser faire, et le long de tes rues
Briser le même jour tes faux et tes charrues !
Elles laboureront ! elles moissonneront !

Ton heure vient ; tu peux demain réduire en poudre
La lyre et le ciseau ; les cœurs martyrisés
Ne te consolent plus ; à quoi bon les absoudre ?
De quoi te serviraient les hymnes embrasés,
Paris ? Qu’as-tu besoin de l’oubli des baisers,
Puisque tu n’as plus peur du ciel et de la foudre !