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le sang de la coupe

Le Livre d’Heures de la Châtelaine

Or la comtesse Yseult avait un livre d’Heures,
Si beau que ses enfants en étaient orgueilleux,
Et que la Reine même, en ses nobles demeures,
N’avait rien de si riche et de si merveilleux.

Un feuillage d’argent couvrait de frêles branches
Le dos clair du missel, et, sans plus d’ornements,
Sur son velours, couleur des premières pervenches,
On voyait resplendir un chiffre en diamants.

Le vélin des feuillets, où des images pures
Se détachaient aussi par un art surhumain,
Prêtait ses fonds de neige à des miniatures
Toutes brillantes d’or, d’azur et de carmin.

Ici veillait Marie, et sur la paille fraîche,
Le bonhomme Joseph admirait en priant
Le Roi de l’univers couché dans une crèche,
Adoré pauvre et nu par les rois d’Orient.