Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/157

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Alors, plus j’en voyais tomber autour de moi,
Hasard étrange ! et plus dans un divin émoi
         Je me sentais revivre.
Enfin, glacé d’attente et chaud de leurs baisers,
Je sentis tressaillir mes membres embrasés
         Et je voulus les suivre.

Mais la vierge à la lyre eut un air abattu
Et me prit par la main en disant : Connais-tu
         Ces deux beautés de neige ?
Moi je voulus partir et je répondis : Non !
— L’une est la Volupté, dit-elle, c’est son nom.
         ― Et l’autre ? demandai-je.

— Cette fille si pâle, aux baisers si nerveux,
Qui se laisse oublier et dort dans ses cheveux ?
         C’est la Mort qu’on la nomme.
Et malgré ces deux noms effrayants, j’allai pour
Baiser aussi les seins des Vénus, fou d’amour,
         N’ayant plus rien d’un homme.

Dès le premier baiser je ne sais quelle peur
Me vint, et je fléchis, livide de stupeur,
         Comme en paralysie.
À mon réveil, autour du lustre qui pâlit,
Ces visions fuyaient. Seule auprès de mon lit
         Restait la Poésie.