Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/187

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Il lui disait comment, après des nuits de joie
Où l’amour étoilé semble un firmament bleu,
On s’éloigne à pas lents de la couche de soie,
Emportant dans son cœur la jalousie en feu,
Et comment à genoux, quand ce spectre flamboie,
On frappe sa poitrine, en criant : Ô mon Dieu !

Mais Sténio, pressant son âme parfumée
Et blanche jusqu’au fond comme une jeune fleur,
Enveloppait César de la foi de son cœur.
Il disait, entouré d’une blanche fumée,
Et caressant toujours sa cigarette aimée :
Si c’est un rêve, ami, je veux rêver bonheur.

Je veux croire à l’amour, à la nature, à l’ange,
Au doux baiser fidèle, au serrement de main,
Au rhythme harmonieux, au nectar sans mélange,
Aux amantes qui font la moitié du chemin,
Et penser jusqu’au bout que leur blonde phalange,
En nous quittant le soir, espère un lendemain.

Je croirai que le monde est une grande auberge
Où l’hospitalité sans défiance héberge
Comme le grand seigneur, le passant hasardeux,
Et leur prête son lit sans se soucier d’eux.
César, calme et pensif, répondait : Ô cœur vierge !
Et, la main dans la main, ils souriaient tous deux.