Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/195

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J’ai vu le lyrique Pindare,
L’élève divin de Myrtis
Dont un roi prenait la cithare,
Comme le chevreau broute un lys ;

J’ai vu mon père Aristophane
Blessé par des mots odieux,
Et devant le peuple profane
Défendant Eschyle et ses Dieux ;

J’ai vu buvant la sombre lie
De ses calices triomphants,
Sophocle, accusé de folie
Et maltraité par ses enfants ;

J’ai vu portant l’affreux stigmate,
Ovide fugitif, buvant
Le lait d’une jument sarmate
Au désert glacé par le vent ;

J’ai vu Dante en exil, et Tasse
Abandonné par sa raison,
Collant sa face morne et lasse
Aux noirs barreaux de sa prison.

Pareil au lion qui soupire
Sous le vil fouet de ses gardiens,
Hélas ! j’ai vu le dieu Shakspere
Aux gages des comédiens ;