Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/196

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J’ai vu Cervantes, pauvre esclave,
Au bagne exhalant ses sanglots,
Et Camoëns sanglant et hâve
Luttant dans l’écume des flots ;

J’ai vu, tant le destin se joue
En des caprices insensés,
Corneille marchant dans la boue
Avec ses souliers rapiécés,

Et Racine, cet idolâtre,
Tombant les regards éblouis
Par le tonnerre de théâtre
Que lançaient les yeux de LOUIS,

Et Chénier, dont le trait rapide
Atteignait sa victime au flanc,
Versant sur l’échafaud stupide
La belle pourpre de son sang.

Brillant de la splendeur première,
Tous ces grands exilés des cieux,
Tous ces hommes porte-lumière
Avaient des astres dans leurs yeux.

Lorsqu’elle frappait notre oreille
Avec le bruit du flot amer,
Leur voix immense était pareille
À la tumultueuse mer,