Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/31

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Les stériles rochers où l’oiseau fait son nid
Quittèrent la montagne et ses flancs de granit ;
La brise tut ses chants, l’aigle quitta son aire,
Le ruisseau ralentit sa démarche légère,
Et dans l’arbre amoureux les Dryades des bois
Turent leurs vagues chants pour la première fois.
   Dans cet enivrement, les muses Aonides
Quittèrent sans regret les demeures splendides
Où l’écho retentit d’harmonieux accords,
Et le mont verdoyant où les lys de leur corps
Font comme une guirlande à la noire fontaine,
Où le Permesse tombe et meurt dans l’Hippocrène,
Où le sombre Olmius, avec un doux fracas,
Bleuit d’un long baiser leurs membres délicats ;
Et les Dieux, sur l’Olympe où la jeune Déesse
Leur verse à flots vermeils l’éternelle jeunesse
Avec les vins sanglants par l’amour embrasés,
Oublièrent enfin les immortels baisers.
Chacun prêta l’oreille aux premiers chants du cygne :
Celui qui ralentit les nuages d’un signe,
Mercure ailé, Junon si belle en son courroux,
Lyaeus accoudé sur les grands lions roux,
Puis la blonde Aphrodite à la prunelle noire,
Thétis, dont un rayon, baise les pieds d’ivoire,
Mars, Diane, Pallas aux yeux profonds et bleus,
Et Phébus rayonnant dans l’azur nébuleux.
   Sous ce profond regard de la voûte étoilée
Le poète eût senti son âme consolée,