Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/41

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Le mot fatal brilla, l’autel fut consacré,
Le monde de l’idée étincela créé.
   Pour la beauté d’abord tu nous donnas Hélène,
Forme terrible et pure en son manteau de laine,
Pour laquelle à jamais les hommes et les Dieux
Se livrent sans relâche un combat odieux,
Et, comme sur un mont les roches ébranlées,
S’écroulent à longs cris dans tes grandes mêlées ;
Hélène, au sort fatal qu’elle fuyait en vain,
Que Vénus réservait pour un bonheur divin,
Et qui, dès que le blond Pâris ouvrit la bouche,
Pensa voir Lyaeus, le roi libre et farouche,
Le dieu charmant, riant, jeune, en qui s’est mêlé
Le sang de Jupiter au sang de Sémélé !
Hélène qui, riant sur sa couche fatale,
Tuait dans un baiser l’Asie orientale,
Et serrant sur son sein l’enfant aux blonds cheveux,
Étouffait un empire entre ses bras nerveux !
   Prophétesse en courroux, triste et fière lionne,
Comment saluas-tu la mère d’Hermione,
Lorsque endormant Pâris sur le navire ailé,
Ses chants retentissaient dans le détroit d’Hellé !
Oh ! quand tout l’avenir de carnage et de cendre
Passa comme un flambeau sur l’âme de Cassandre ;
Lorsqu’elle vit au loin, comme un jeune lion,
Achille déchirer les princes d’Ilion,
Que, le regard fixé sur toutes ces détresses,
Elle arrachait son voile et ses cheveux en tresses,