Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/42

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Quel frisson dut la prendre au haut de cette tour
Qui devait sur son front s’écrouler à son tour,
Et d’où ses yeux ont vu, dans l’horrible mêlée
De mille égorgements, la Guerre échevelée !
   Oui, ce furent bien là des combats palpitants
Et tels qu’en avaient eu les Dieux et les Titans,
Quand ces monstres hideux, fils de la Terre énorme,
Pour élever au ciel leur phalange difforme,
Sur l’escalier fatal que leur main exhaussa
Posèrent pour degrés Pélion sur Ossa !
Quels combats et quels chocs ! Vénus et Diomède,
Phœbus, Neptune, Ulysse et Minerve à son aide ;
Hector guidé par Mars et par Bellone, Hector
Dont les chevaux ardents brisent des harnois d’or,
Et derrière eux l’Asie ardente à se répandre
De l’Axius d’argent aux rives du Méandre ;
Atride et les Ajax au carnage excités ;
La Grèce impitoyable et toutes ses cités,
Depuis Cos, où les rocs semblent de noires tombes,
Jusqu’à Thisbé, séjour aimé par les colombes !
   Oh ! parle ! redis-nous de combien de héros
Les Dieux ivres d’horreur se firent les bourreaux !
Chante encore, apparais sous le deuil qui te navre,
Muse ! excite nos pleurs, montre-nous le cadavre
D’Hector, que tu suivis en tes longs désespoirs,
Balayant la poussière avec ses cheveux noirs !
Vierge, enfle tes clairons ; c’est là que tout commence,
Et rien n’eût rappelé cette Iliade immense,