Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/57

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Où l’homme avec un chien représente Phoebé
Dans les tristes amours de Pyrame et Thisbé.
Leur tragédie est bête à soulever la bile :
Mais lion et Phoebé, tout semble tant habile,
Qu’on leur dit : Bien lui, Lune ! et : Bien rugi, Lion !
Le père Anchise arrive avec le galion
Pour reconnaître exprès à la fin, chose due,
Sa fille Perdita, c’est-à-dire perdue.
   Au lieu d’avoir des noms anglais, turcs ou romains,
Tous ont des noms charmants pour courir les chemins :
Mercutio, Célie, Orlando, Rosalinde,
Parolles, Pandarus, Corin, Sylvio ! L’Inde
Où l’on passe un flot rose en jonque de bambous,
Tandis que recueillis, seuls comme des hibous,
Des hommes fort dévots font saigner leur échine ;
L’Eldorado, Kiou-Siou, Kounashir, et la Chine
Qui sur sa porcelaine a des pays d’azur,
N’ont rien de plus riant, de plus bleu, de plus pur
Que ce rêve, où parfois la rose Fantaisie
Près du chêne Saxon jette les fleurs d’Asie.
C’est un monde limpide où dorment en riant
Les mystères du Nord aux clartés d’Orient,
Où près des flots d’argent brillent dans les prairies
Des plantes d’émeraude aux fleurs de pierreries,
Où des bouvreuils jaseurs, pour payer leur écot,
Vocalisent, perchés sur un coquelicot !
C’est comme notre amour qui parlerait, ou comme
Un chant qui redirait ce qui chante dans l’homme ;