Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/65

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En qui revit l’orgueil des temps évanouis,
Des poètes nouveaux se pressent éblouis.
   Les voilà. Ce sont eux, les héros qui délivrent !
J’entends leurs cris d’amour et leurs voix qui m’enivrent,
Et, dans la route sûre où je suivrai leurs pas,
Je vois tous ces vainqueurs de l’ombre et du trépas.
Byron n’est plus ; il dort dans la gloire suprême,
Fier, adoré, superbe, et la Muse elle-même,
De son âme brisée emportant le meilleur,
Baisa le pâle front de ce don Juan railleur.
Lamartine aux beaux yeux, qui charme et qui soupire,
Près du lac frissonnant chante encor son Elvire ;
Les deux Deschamps, brisant la maille et les réseaux,
S’élancent dans l’air libre ainsi que des oiseaux ;
Sainte-Beuve revoit ses maux et nous les conte ;
Vigny, doux et hautain, sous son manteau de comte
Garde pieusement notre orgueil indompté ;
Musset, les yeux brûlants, pâle de volupté,
Sent dans son cœur brisé naître la poésie ;
Barbier rugit ; Moreau célèbre sa Voulzie ;
En Valmore Sappho s’éveille et chante encor ;
Delphine, sa rivale, en ses longs cheveux d’or
Triomphe, poétesse à la toison vermeille ;
Laprade s’est penché sur Psyché qui sommeille ;
Méry taille et sertit, merveilleux joaillier,
Les rubis indiens en un rouge collier ;
Brizeux nous a rendu les fiers accents du Celte ;
Sous ses longs cheveux noirs, beau rhapsode au corps svelte,