Page:Banville - Œuvres, Les Cariatides, 1889.djvu/95

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Car il avait senti déjà que dans son âme
Tout était consumé sous cette impure flamme,
Que de son être ancien tout était déjà mort,
Tout, l’espoir et le doute, et même le remord.
Alors il se rendit chez la Phoebé, l’ancienne
Maîtresse de trois rois couronnés, et la sienne,
Pour savoir si l’airain de ce corps indompté
Le ferait vivre encore à quelque volupté.
Belle conclusion et digne de l’exorde :
Sa lyre était aussi brisée à cette corde,
Si bien que la Phoebé dit, le bras étendu
Sur lui : Poveretto, comme on me l’a rendu !
  Là, d’un coup de sifflet, nous transportons la scène,
En dépit d’Aristote, au pays d’outre-Seine.
O mon pays Latin ! vieux pays désolé
D’où le siècle sans plume un jour s’est envolé,
Moi, le dernier de tous, je te reste, et je t’aime !
J’aime tes boulevards, verdoyant diadème,
Ton fleuve morne et sourd, et ses courants flanqués
De vieux murs de granit où s’endorment les quais ;
J’aime ta basilique en fleur, ta cathédrale,
Où sur les sombres tours, dans l’ombre sépulcrale,
Quand l’aile de la nuit nous fait un noir bandeau,
Nous voyons grimacer quelque Quasimodo.
Avant ton Panthéon, palais de gloires mortes,
J’aime ton hôpital, la maison aux deux portes :
L’une par où l’on vient, escorté de douleurs,
Jusqu’à ces lits souillés qu’on lave de ses pleurs,