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LES EXILÉS


La Source


À Ingres


Jeune, oh ! si jeune avec sa blancheur enfantine,
Debout contre le roc, la Naïade argentine
Rit. Elle est nue. Encore au bleu matin des jours,
La céleste ignorance éclaire les contours
De son corps où circule un sang fait d’ambroisie.
Svelte et suave, tel près d’un fleuve d’Asie
Naît un lys ; le désert voit tout ce corps lacté,
Sans tache et déjà fier de sa virginité,
Car sur le sein de neige à peine éclos se pose
Le reflet indécis de l’églantine rose.
Ô corps de vierge enfant ! temple idéal, dont rien
Ne trouble en ses accords le rhythme aérien !
L’atmosphère s’éclaire autour du jeune torse
De la Naïade, et, comme un Dieu sous une écorce,