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LES EXILÉS

Près du doux Ilissos qui reflète le ciel,
Sur les coteaux penchants l’abeille fait son miel,
Et le Strymon, qui pousse une plainte étouffée,
Roule avec des sanglots un dernier chant d’Orphée.
Tous ces fleuves sont beaux, et dans leur libre essor
Apportent à la mer des ruisseaux brodés d’or :
Un chœur dansant bondit sur les bords du Céphise ;
L’harmonieux Pénée a vu Daphné surprise
Se changer en laurier verdoyant sur ses bords ;
Le Sperchios entend mourir le bruit des cors ;
Le long de l’Axios passent des hécatombes ;
La douce Thyamis a des vols de colombes
Qui vont en secouant leurs ailes vers les cieux.
Tous ces fleuves d’azur au cours délicieux
Ont de leurs noms vivants charmé la grande lyre,
Ô Source enfant, mais nul d’entre eux n’a ton sourire !
Oh ! je te reconnais, Source enfant, tu seras
Le limpide Eurotas, où, levant leurs beaux bras,
Les guerrières de Sparte aux âmes ingénues
Dans la nappe d’argent se baignent toutes nues ;
L’Eurotas, tout glacé de suaves pâleurs,
Où croît le laurier-rose au front chargé de fleurs !
C’est dans ton flot riant, à l’ombre de la vigne,
Que Léda frémira sous le baiser du cygne,
Pâle d’horreur, serrant les ailes de l’oiseau
Sur sa poitrine folle où l’ombre d’un roseau
Se joue, et sur le lit de fleurs que l’onde arrose
Mordant un col de neige avec sa lèvre rose !