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LES EXILÉS

Le fleuve ému la berce en un riant bassin,
Et des soupirs brûlants s’échappent de son sein
Mollement caressé par les eaux fugitives.
Ah ! toujours l’Eurotas gardera sur ses rives,
Que les enchantements choisissent pour séjour,
L’écho tumultueux de ses grands cris d’amour,
Ô Source ! et c’est aussi près de ton onde claire
Qu’Hélène aux cheveux d’or, tremblante de colère,
Passera, saluant d’un rire méprisant
Le palais délaissé de Tyndare, et baisant
De sa lèvre enfantine encore inapaisée
Les noirs cheveux touffus de son amant Thésée.
La petite Naïade est pensive. Elle rit.
Devant ses pieds d’ivoire un narcisse fleurit.
Oiseaux, ne chantez pas ; taisez-vous, brises folles,
Car elle est votre joie, ailes, brises, corolles,
Verdures ! Le désert, épris de ses yeux bleus,
Écoute murmurer dans le roc sourcilleux
Son flot que frange à peine une légère écume.
L’aigle laisse tomber à ses pieds une plume
En ouvrant dans l’éther son vol démesuré ;
L’alouette vient boire au bassin azuré
Dont son aile timide agite la surface.
Quand la pourpre céleste à l’horizon s’efface,
Les étoiles des nuits silencieusement
Admirent dans le ciel son visage charmant
Qui rêve, et la montagne auguste est son aïeule.
Oh ! ne la troublez pas ! La solitude seule