Page:Banville - Œuvres, Les Exilés, 1890.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
120
LES EXILÉS



Chio


Chio, l’île joyeuse, est pleine de sanglots.
Au fond d’une demeure où l’on entend les flots,
La jeune fille morte, ô père misérable !
Dans ses longs cheveux blonds dort sur un lit d’érable.
Ses yeux de violette, hélas ! quand le jour luit,
Contiennent à présent la formidable nuit.
Ô Dieux ! c’est le moment où fleurit la pervenche !
Le père, avec horreur tordant sa barbe blanche,
S’en est allé gémir sur le bord de la mer.
Dans l’abîme grondant il verse un fleuve amer,
Et marche, déchiré par sa douleur sans bornes.
La jeune fille dort. Trois Divinités mornes,
Leurs beaux voiles épars et leurs cheveux flottants,
Sont là debout, tressant les roses du printemps
Près de la jeune morte en fleur qui va renaître,
Et se plaignent. Soudain, un disciple du maître
S’avance et, les voyant, leur dit : Que faites-vous
Auprès du lit où s’est penché ce front si doux,