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LES EXILÉS


Il leur disait, noyé dans les horreurs du gouffre
Que l’insondable azur suspend sur notre effroi :
Ô constellations, vous voyez que je souffre,
Flambeaux de l’éther vaste, ayez pitié de moi !

Et les hommes, voyant ce beau porteur de lyre
N’avoir pour seuls amis que les astres des cieux,
Dans lesquels ses regards pénétrants savaient lire,
Voulaient prendre en pitié son cœur silencieux.

Oh ! disaient-ils, songeur caressé par les flammes,
La beauté resplendit sur ton visage altier
Baigné par des flots d’or, enchantement des âmes,
Et ta lèvre est pareille aux fleurs de l’églantier.

Quand tu lèves tes yeux à la clarté fidèles,
Dans tes prunelles d’or l’éclair semble jaillir ;
Les vierges de seize ans, quand tu passes près d’elles,
Sentent leur voix s’éteindre et leur sang tressaillir.

La vertu dédaigneuse et la pudeur farouche
Se changent pour toi seul en désirs embrasés ;
Tu charmes l’innocence elle-même, et ta bouche
Est comme un seuil divin meurtri par les baisers.

Comme un Dieu triomphant tu parus dans la vie,
Dont ta pensée agile a déjà fait le tour ;
Mais qui pourrait remplir ton âme inassouvie,
Sinon le flot immense et clair d’un seul amour ?