Page:Banville - Œuvres, Les Exilés, 1890.djvu/169

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
157
LES EXILÉS


Bénis soient-ils ! bénis soient ceux que sacrifie
L’imbécile faveur du vulgaire odieux,
Et qui pensent, et dont la bouche glorifie
Les poètes sacrés et la race des Dieux.

Car, s’ils n’ont pas suivi la trace coutumière,
Si les chemins battus ont ignoré leurs pas,
Ils laissent après eux des taches de lumière,
Et leur nom est de ceux qui ne périssent pas.

Bénissons-les surtout d’être exilés au monde,
Bénissons-les d’avoir vécu pauvres et nus,
Austères, enfermés dans une foi profonde,
Pleins d’amour pour le temps qui les a méconnus.

Car, dans l’éternité qui leur garde ses fêtes,
La pauvreté, les pleurs, l’injustice, l’affront,
La haine, sont les purs rayons dont seront faites
Les vivantes clartés qu’ils auront sur le front !


Mars 1866.