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LES EXILÉS


L’Attrait du Gouffre


Oh ! que me voulez-vous, lueurs vertigineuses ?
Divin silence, attrait du néant, laisse-moi !
Ainsi la mer, songeant par les nuits lumineuses,
Me faisait tressaillir de tendresse et d’effroi.

Ces yeux où les chansons des sirènes soupirent,
Océans éperdus, gouffres inapaisés,
Bleus firmaments où rien ne doit vivre, m’inspirent
La haine de la joie et l’oubli des baisers.

Les yeux pensifs, les yeux de cette charmeresse
Sont faits d’un pur aimant dont le pouvoir fatal
Communique une chaste et merveilleuse ivresse
Et ce mal effréné, la soif de l’Idéal.

Ils ne s’abritent pas, solitudes sans voiles,
Sous des cils baignés d’or et sous de fiers sourcils ;
Ondes où vont mourir les flèches des étoiles,
Rien ne cache au regard leur mirage indécis.