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LES EXILÉS

Tant de force, Dunois, Xaintrailles et Lahire
Suivant, joyeux, ce chef de guerre au doux sourire ;
Le grand pays qui met des lys dans son blason
Ressuscité des morts malgré la trahison,
Tout cela, tant l’Histoire est un muet terrible !
Devait finir un jour à ce bûcher horrible
Où la Pucelle meurt dans un rouge brasier ;
Et le songeur ne sait s’il doit s’extasier
Davantage devant l’adorable martyre,
Ou devant la guerrière enfant qu’un peuple admire,
Le rendant à l’honneur après ses lâchetés,
Et dont le sang d’agneau nous a tous rachetés !
Ô sainte, ô Jeanne d’Arc, toi la bonne Lorraine,
Tu ne fus pas pour nous avare de ta peine.
Devant notre pays aveugle et châtié,
Pastoure, tu frémis d’une grande pitié.
Sans regret tu pendis au clou ta cotte rouge,
Et toi qui frissonnais pour une herbe qui bouge,
Tu mis sur tes cheveux le dur bonnet de fer.
Pour déloger Bedford envoyé par l’enfer,
Tu partis à la voix de sainte Catherine !
Et porter un habit d’acier sur ta poitrine,
Et t’offrir, brebis sainte, au couteau du boucher,
Et chevaucher pendant les longs jours, et coucher
Sur le sol nu pendant l’hiver, comme un gendarme ;
Tu faisais tout cela sans verser une larme,
Jusqu’à ce que ta France eût vengé son affront,
Et, comme un lion fier, secoué sur son front