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LES EXILÉS


Hésiode


Quand la Terre encor jeune était à son aurore,
Par-delà ces amas de siècles que dévore
Dans l’espace infini le Temps, ce noir vautour,
À l’époque où j’étais rhapsode en Grèce, un jour
Je quittais, plein de joie, un bourg de Thessalie.
Là, jeune homme frivole en proie à ma folie,
Ayant cherché l’abri verdoyant d’un laurier,
J’avais célébré Cypre et l’Amour meurtrier
Que Zeus devant son trône un jour vit apparaître
Triomphant. Mais au lieu de montrer que ce maître
Des hommes exista dès le commencement,
Après le noir Chaos, le Tartare fumant
En la Terre profonde à la large poitrine,
Même avant l’éther vaste et la vague marine,
J’avais feint, pour mieux plaire aux laboureurs grossiers,
Que, doux enfant, exempt d’appétits carnassiers,
Ignoré d’Échidna sanglante et des Furies,
Il fût né de Cypris en des îles fleuries.