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LES EXILÉS

Près de lui, devant lui, partout, des ossements
Blanchissaient sur le sol ténébreux. Par moments,
Un grand fleuve de pleurs débordait son œil terne,
Et le beau vieillard-dieu pleurait dans la citerne.
Le fils d’Amphitryon fut saisi de pitié.
Oh ! dit-il, sombre aïeul durement châtié,
Que fais-tu loin du ciel dont notre œil est avide ?
Qui te retient ainsi dans ce cachot livide ?
Ton désespoir est-il si vaste et si profond
Que tes larmes aient pu remplir ce puits sans fond ?
Viens dans la plaine, où sont les ruisseaux et les chênes !
Sur tes bras affaiblis je ne vois pas de chaînes.
D’ailleurs, je suis celui qui les brise ; je puis,
Si tu le veux, jeter ce rocher dans ce puits ;
Quelque Dieu qu’ait maudit ta bouche révoltée,
Je te délivrerai, fusses-tu Prométhée !
Le vieillard exhalait des sanglots étouffants.
Hercule dit : Suis-moi, laisse aux petits enfants
Cette lâche terreur et cette angoisse folle.
Il n’est pas de douleur qu’un ami ne console ;
Viens avec moi, remonte à la clarté du jour !
— Non, répondit le grand vaincu, je suis l’Amour.


Janvier 1863.