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LES EXILÉS


Tueur de Monstres


Le beau monstre, à demi couché dans l’ombre noire,
Laissait voir seulement sa poitrine d’ivoire
Et son riant visage et ses cheveux ardents,
Et Thésée, admirant la blancheur de ses dents,
Regardait ses bras luire avec de molles poses,
Et de ses seins aigus fleurir les boutons roses.
Au loin ils entendaient les aboiements des chiens,
Et la charmante voix du monstre disait : Viens,
Car cet antre nous offre une retraite sûre.
Ami, je dénouerai moi-même ta chaussure,
J’étendrai ton manteau sur l’herbe, si tu veux,
Et tu t’endormiras, le front dans mes cheveux,
Sans craindre la clarté d’une étoile importune.
Mais, comme elle parlait, un doux rayon de lune
Parut, et le héros, dans le soir triste et pur,
Vit resplendir avec ses écailles d’azur
Le corps mystérieux du monstre, dont la queue
De dragon vil, pareille à la mer verte et bleue,