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LES EXILÉS

Et flétrissaient les fleurs de leurs souffles infâmes.
Ô guerrière fidèle, est-ce toi qui me blâmes ?
Quand j’avais nettoyé les sourds marais dormants
En détournant le cours d’un fleuve aux diamants
Glacés ; quand les dragons, le long des feuilles sèches,
Se traînaient sur le sol, déchirés par mes flèches,
J’allais porter secours à des vierges, tes sœurs ;
Je tuais les brigands furtifs, les ravisseurs,
Et, près des lacs noyés dans les vapeurs confuses,
J’écrasais de mes mains les artisans de ruses,
Afin de ne plus voir leurs vols insidieux,
Et sans m’inquiéter s’ils étaient rois ni Dieux !
Reine, tu te trompais, tout ce qui souffre m’aime.
Ah ! si j’ai quelquefois combattu pour moi-même
Et pour sacrifier à mon orgueil, du moins
Ce fut contre les Dieux indolents, qui, témoins
De mes travaux, craignaient la terre rajeunie,
Et mettaient pour une heure obstacle à mon génie.
Oui, parfois, las d’errer seul dans leurs durs exils,
Je les ai défiés ; mais comment pouvaient-ils,
Sans craindre avec raison que tout s’anéantisse,
Entraver le héros qui s’appelle Justice ?
Et ne savaient-ils pas que, sur cet astre noir,
Si tout les nomme Loi, je me nomme Devoir ?
Quand, cherchant, pour ma tâche incessamment subie,
Les bœufs de Géryon, j’entrai dans la Libye,
Le dieu Soleil lança sur moi ses traits de feu,
Et moi, de même aussi, je lançai sur le Dieu