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LES EXILÉS

Et, rappelant ainsi des crimes odieux,
Elle nommait tout bas les meurtriers des Dieux :
Hercule, nourrisson de la Guerre et, comme elle,
Ivre d’horreur, blessant Héra sous la mamelle,
Éphialte, en dépit du Destin souverain,
Mettant Arès lié dans un cachot d’airain,
Et l’emprisonnant, seul avec la Nuit maudite.
Puis, prenant en ses bras la céleste Aphrodite,
Sans peine elle étendit ses membres assoupis
Sur des toisons sans tache et de mœlleux tapis,
Car déjà le Sommeil, né de l’ombre éternelle,
Roulait un sable fin dans sa noire prunelle ;
Et comme Dioné, redoutable aux méchants,
Se souvenait encor des invincibles chants
Avec lesquels, avant de subir leurs désastres,
Les Titans conduisaient le blanc troupeau des Astres,
Soucieuse de voir la Déesse frémir,
Elle disait ces chants sacrés pour l’endormir,
Douce et baissant la voix bien plus qu’à l’ordinaire,
Et les mortels croyaient que c’était le tonnerre.


Jeudi, 20 août 1874.