Page:Banville - Eudore Cléaz, 1870.djvu/16

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d’hui, il brillait de même de cet éclat inusité, comme si le printemps allait naître avant l’heure et faire fleurir sous la neige la couronne des arbres d’avril ? Te rappelles-tu cette pauvre petite mendiante en robe de toile qui était là sur le boulevard au coin de notre rue, belle comme le jour et pâle comme la mort, et dont le visage désespéré contrastait si douloureusement avec la gaieté de cette matinée charmante ? Dis, Eudore, te rappelles-tu l’expression divine de ses grands yeux quand tu mis dans sa main les pièces d’argent que contenait ta bourse, toute notre fortune !

— Oui, répondit doucement Eudore, et depuis ce jour-là je ne l’ai plus revue. Cette enfant si frêle, avec sa peau nacrée et transparente, ne pouvait résister à la dure étreinte de la misère. Que sera-t-elle devenue ? car je lisais dans ses yeux une invincible fierté, et, à coup sûr, ce n’était pas pour elle qu’elle mendiait.

— Rassure-toi, dit le vieillard, Dieu n’aura pas permis que ta charité ait agi en vain. Cette belle aumône qu’il te fut inspiré de faire de si grand cœur et sans rien retenir pour nous t’a donné cette fois un beau jour de l’an ; mais cette année, hélas ! tu n’auras pas d’étrennes, car nous sommes bien en retard avec Lémeric. Et il ajouta d’une voix légèrement émue et tremblante : Que désirerais-tu pour tes étrennes, Eudore, si nous étions riches ? »

Eudore regarda tristement son père et ne répondit