Page:Banville - Eudore Cléaz, 1870.djvu/27

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regardant avec l’expression de la plus tranquille confiance.

« Un jour vint, dit Antonia, il y a de cela une année à ce moment même, où mes angoisses étaient arrivées à leur dernier terme. Votre adorable, votre précieuse aumône reçue par moi avec des élans d’affection et de reconnaissance n’avait pu cependant répondre aux cruelles nécessités où je me trouvais : il fallait à Rose Mariaud des médicaments encore, mille choses, j’avais besoin de bien plus d’argent, et que pouvais-je faire ? Assurément je ne pouvais le dire à personne, pas même à vous. Je ne pouvais qu’adresser au ciel un appel désolé et muet, dans un regard qui semblait vouloir percer l’espace pour aller implorer sa miséricorde ! Mais cela, mademoiselle, vous l’avez vu ! Avec cette rapidité de pensée qui n’appartient qu’aux esprits supérieurs et détachés de tout, en un instant, bref comme l’éclair, vous aviez tout deviné, tout senti, tout compris ; vous aviez lu en moi avec une lucidité victorieuse ma tristesse, mon dévouement impuissant, mes hésitations et l’immense effort par lequel j’appelais un secours surnaturel. Et Dieu m’avait entendue, puisque vous étiez là, puisqu’il vous avait envoyée ! Mademoiselle, celui qui est mon mari, Jean Saluce, ce grand artiste, ce vaillant cœur, m’a raconté bien souvent cette scène que ni vous ni moi n’avons vue, mais il l’a vue, lui ! Il l’a vue, lui qui passait là près de nous par hasard, à cette minute qui a décidé de sa vie ! Jamais, me dit-