Page:Banville - Eudore Cléaz, 1870.djvu/31

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parler de Jean Saluce dont il connaissait les œuvres, et qu’il loua avec la perspicace intuition qu’il possédait à un si haut degré. Il expliquait à Antonia et à Eudore, il admirait avec une puissante éloquence le prodige de création par lequel ce merveilleux artiste avait retrouvé, évoqué, interprété à nouveau l’antiquité hellénique et lui avait demandé le seul rajeunissement peut-être dont l’Art soit susceptible en notre époque affairée et compliquée, dont l’âme ne se retrempera que dans les sources vraies de l’immuable et éternelle beauté. Mais, comme on le devine, il manquait à cette causerie un personnage indispensable, Jean Saluce lui-même ; lorsque retentit le coup de sonnette attendu, Antonia alla elle-même lui ouvrir, et ce fut en rougissant de bonheur et d’orgueil qu’elle le présenta à ses nouveaux amis. La reconnaissance de Saluce se montra plus ardente et plus exaltée encore que celle de sa femme, et il ne se lassait pas de remercier Eudore de l’influence qu’elle avait eue sur sa destinée ; toutefois il lui fallut consentir à parler du portrait de M. Cléaz et à le laisser louer franchement comme un chef-d’œuvre.

« Mais enfin, dit Eudore à Antonia, comment avez-vous pu deviner ma pensée et mon unique désir ?

— Ah ! dit Antonia en souriant avec malice, nous nous sommes rencontrés bien souvent au Musée du Luxembourg sans que vous nous ayez vus, car Jean et moi nous avions soin de nous tenir à l’écart. Je