Page:Banville - Gringoire, 1890.djvu/13

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Puis M. Davesnes, ce metteur en scène excellent et modeste qui se souvient d’avoir été comédien et auteur dramatique ; puis les peintres, MM. Rubé et Chaperon, dont le pinceau a créé pour moi un intérieur du XVe siècle calme, gai, naïf, approprié à l’œuvre, irréprochablement fidèle, et dont Théophile Gautier, le meilleur des juges, a écrit justement : « Viollet-Le-Duc, dans ses restaurations d’anciens mobiliers, ne serait pas plus exact ; » puis M. Alfred Albert, qui a dessiné en artiste savant et curieux les costumes de Gringoire.

Quand j’aurai mentionné ici le Louis XI de Michelet, ce chef-d’œuvre, et Les Ioyeulsetez du Roy Loys le Unziesme des Contes Drolatiques de Balzac, aurai-je nommé tous mes collaborateurs ? Non, car toute pièce de théâtre qui réussit pleinement a deux collaborateurs obligés : la critique et le public. Des critiques comme les nôtres, qui sont des créateurs, des inventeurs, mettent hardiment en lumière telle partie du tableau que l’auteur avait dû laisser dans l’ombre. Quant au public, tandis qu’on l’accuse niaisement de ne se plaire qu’aux farces viles et aux écœurantes apothéoses des féeries les plus sottes, c’est lui qui s’enthousiasme aux vers énergiques et vrais, c’est lui qui pleure devant les misères sincèrement racontées, et qui a l’amour et l’ardente soif de la poésie, dont la source éternellement pure et vive peut seule rafraîchir les âmes.

Paris, 4 juillet 1866.