Page:Banville - Gringoire, 1890.djvu/48

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ne le mérite ? Je ne me sens pas le cœur d’épouser quelque douairière, contemporaine du roi Charlemagne.

LE ROI.

Celle dont je te parle a aujourd’hui dix-sept ans d’âge.

GRINGOIRE.

C’est donc que le ciel l’a affligée d’une laideur bizarre et surnaturelle ?

LE ROI.

Elle est aussi belle que jeune, et toute pareille à une rose naissante.

GRINGOIRE, pâlissant.

je devine, sire. Mais libre et sans tache sous le ciel, je me vois trop pauvre pour me passer d’honnêteté et de renom.

LE ROI.

Tais-toi ! La jeune fille dont tu seras l’époux est pure comme l’hermine, dont rien ne doit ternir la blancheur sacrée.

GRINGOIRE.

Tout de bon ? (revenant à lui.) mais je n’ai d’autre lit que la forêt verte et d’autre écuelle que ma main fermée : je ne peux pas me mettre en ménage avec si peu de chose.

LE ROI.

Ne t’inquiète de rien. Tu dois bien penser que je n’oblige pas à demi.

GRINGOIRE.

Sire, vous êtes généreux comme le soleil de midi ! Mais qui décidera la jeune demoiselle à devenir ma femme ?

LE ROI.

Qui ? Toi-même. Tu la regarderas comme tu regardais tout à l’heure le souper de maître Simon, et tu lui diras : " voulez-vous être ma femme ? "

GRINGOIRE.

Je n’oserai jamais.