Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/104

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blanche, la tête du moine, quoique jeune, est labourée par la Méditation, qui sur son front et sur ses joues a creusé de profondes rides, et son crâne sans cheveux est lisse comme une table d’ivoire. Cependant, sans que nulle clef ait été mise dans la serrure, la porte s’ouvre, tourne sans bruit sur ses gonds, et d’un pas léger et délibéré entre une Diablesse. Elle est jeune, belle, svelte, nue comme une roche dans la campagne ou comme un caillou dans le ruisseau d’argent, et la lumière joue sur les calmes blancheurs de son ventre. Un rayon de soleil caresse les ongles roses de ses doigts de pieds bien écartés et les bouts roses de ses seins, et elle est coiffée d’une chevelure rousse, qui n’est plus vapeur lumineuse et qui n’est pas encore flamme rougissante.

Elle est nue, et elle porte un collier et des pendants d’oreilles faits de saphirs et de perles noires. D’un air poli, mais sans interrompre sa lecture, Foulques fait un signe qui signifie : « Donnez-vous la peine de vous asseoir, » et la Diablesse s’assied en effet sur le second escabeau, resté vide. Elle sait qu’elle n’a pas le droit de parler au moine, à moins que lui-même ne lui parle ou ne laisse voir dans ses yeux l’éclair du désir ; mais les minutes et les heures s’écoulent, sans que le frère accorde la moindre attention à cette indiscrète visiteuse. C’est en vain qu’elle épuise tout l’arsenal de ses coquetteries. Elle joue de la prunelle, elle croise et décroise ses jambes, elle s’évente avec son éventail couleur de lune ; tantôt elle semble mourante, ou d’un geste pudique elle