Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/109

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Enfin il y a dans toute l’allure du personnage quelque chose de décidé et de mâle qui achève de troubler ceux qui le regardent.

La grande Cora s’ennuyait à avaler sa langue ; mais elle ne s’ennuie plus depuis qu’elle a vu ce bel être mystérieux. Elle s’est assise auprès de lui ; elle lui parle tendrement, follement, spirituellement, avec émotion, avec larmes ; elle défile son chapelet ; mais déroulant les gammes d’une voix riche et mélodieuse, l’enfant bizarre répond en courtes paroles où se succèdent toutes les inflexions de l’indifférence, insensible aux mots comme un marchand de mots, et aux sentiments comme une vieille courtisane.

— « Ah çà, dit d’une voix étranglée la grande Cora, qui ne sait plus à quel diable se vouer et qui a vu le bout de son rouleau, — ah çà, décidément, êtes-vous un homme ou une femme ?

— Ma chère, dit l’enfant assis, vous êtes bien curieuse. Je n’en sais rien moi-même ! »


LX. — PREMIÈRES AMOURS

Éclairées par leurs lanternes accrochées à des clous roses de rouille, les quatre chiffonnières, la mince Lefol, madame Lœil au front tragique, la mère Bobillier, et Biribi vieille comme le monde, sont accroupies