Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/136

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sionnal, dans la vieille église, dont le clocher à jour s’élance en plein ciel.

Déjà il vient d’expédier force belles dames et paysannes, qu’il a renvoyées propres et blanches comme le linge séchant sur le pré vert après la lessive faite, lorsque devant lui s’agenouille la jolie Guillemette Josselin, dont le sein est soulevé par de profonds sanglots, et qui, sous ses broderies et sa coiffe d’or, pleure comme une petite Madeleine. C’est qu’elle a vu passer à travers les genêts le fils du seigneur, le jeune comte Olivier, monté sur son cheval syrien, et en le voyant si beau, elle a eu envie de l’embrasser. Maintenant, elle se croit damnée sans miséricorde, et de toute sa force d’enfant elle se frappe et meurtrit la poitrine. Le père Andoche ne cache pas à Guillemette que l’affaire est grave ; toutefois il ne veut pas la mort de la pécheresse, et après lui avoir ordonné de réciter maintes oraisons et patenôtres, il ajoute encore :

— « Et comme votre péché a été de vouloir embrasser un beau jeune homme, vous embrasserez, pour votre pénitence, l’homme le plus laid et déplaisant qui se pourra trouver dans cette paroisse.

— Ce sera donc vous, mon père ! » dit ingénument la fille un peu rassurée, mais qui devient toute rouge, comme si elle sentait déjà sur sa joue de rose fleurie la rude barbe du capucin.