Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/173

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grosses larmes tombent de ses yeux sanglants et coulent dans sa noire moustache. Cependant l’acteur est assis devant une table de toilette, couverte de fioles, de couleurs, de pinceaux, de cosmétiques, d’estompes, de crayons de pastel, et tout secoué et brisé par le plus réel désespoir qui fut jamais, il s’occupe néanmoins à peindre son visage. Il met de la terre d’ombre sur ses paupières, il éteint avec du blanc gras le rouge de sa bouche, il dessine d’un trait hardi un pli qui fait tomber ses lèvres, et par instants il donne un mouvement désolé et roide à sa longue chevelure. Et en même temps, il ne cesse de gémir, bouleversé par une émotion qui le dompte et l’abat, comme un arbre terrassé par le vent d’orage.

Sur la pointe du pied est entré le comique Blime, chauve, rasé, résigné, dont le regard doux et la lèvre pâle expriment une affectueuse bonté d’honnête homme.

— « Que fais-tu là ? demande-t-il au grand premier rôle.

— Tu le voix, mon vieux, dit Montferrat, qui sanglote plus fort, et qui en même temps jette sur sa joue avec l’estompe un trait décisif, je me fais ma tête — pour aller à l’enterrement de mon frère ! »


CII. — LE LUXEMBOURG

Au bois j’irai seulette, L’Amour m’y compt’ra ! Roses, folles, échevelées, ingénues, toutes petites, les fillettes dansent en rond en chantant : Giroflé, girofla ! et c’est