Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/211

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4. — MADAME THIERRET

Une brune, — brune comme l’intérieur d’un tunnel. S’il n’était évident qu’elle est bonne enfant, elle semblerait terrible. On dirait que la vraie tête est ailleurs, et celle qu’on voit a l’air d’un mascaron joyeusement bouffon, qui se moque avec esprit de la vraie tête. Les yeux, expressifs, quoique taillés en boule de loto, sont une rareté d’un effet heureux. La bouche, accentuée comme une épigramme d’Alphonse Karr, est entourée par le cercle bleu de la barbe, car madame Thierret a la barbe bleue, et se rase ! Le nez est interrogateur et caustique. Mais, en 1835, quand la future excentrique jouait Dafne dans Angelo, que faisait-elle de cette barbe follement bleue ? Victor Hugo a toujours eu l’art de tirer des acteurs l’impossible : peut-être avait-on obtenu que madame Thierret se fit épiler la barbe ! Comme son masque, sa voix singulière est un trésor pour les trouvères du Palais-Royal, car elle est à la hauteur des plus orageuses démences.


5. — HENRI DELAAGE

Éloquent, onctueux, étonnant, étonné, mince, brun, chevelu, câlin et gnan-gnan, il tient le milieu entre saint