Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mouvements, comme celle que Michel-Ange a donnée à Laurent de Médicis. Quant au roi Zeus, il est vêtu de soies rouges, vermeilles et pourprées, qui sur son corps divin chantent toute la symphonie du rouge.

Bien qu’ils se soient mis au courant du progrès moderne, les Immortels, qui sentent couler dans leurs veines un sang pur et éthéré, n’ont rien pu changer à leur nourriture et doivent se contenter de la céleste ambroisie ; mais, pour les breuvages, ils ne sont pas tenus à s’imposer la même réserve. Aussi est-ce du champagne glacé que les déesses boivent dans leurs verres mousseline, tandis que le jeune Ganymède, nu pour le plaisir des yeux, verse au roi Zeus du Johannisberg authentique. Enfin, ô douceur ! les Olympiens causent en français, et c’est en français aussi que chante l’aède jouant de la cithare, et ce qu’il récite estime ode excellente de Théophile Gautier. Mais par exemple, comme on le comprend bien, elle a dû être mise en musique par un musicien grec !

Le poète qui s’est glissé là tremble à chaque instant d’être découvert, et chassé comme un vil saltimbanque. Mais personne ne le voit, tant il est mince, famélique et réduit à sa plus simple expression, le dernier volume de vers qu’il a publié ne lui ayant rapporté que des sommes relativement insignifiantes.