Page:Banville - La Lanterne magique, 1883.djvu/64

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et prend le parti de rougir jusque dans ses beaux sourcils en arc. Lucien voit bien que la neutralité ne lui est pas permise, qu’il devra s’exécuter, accoucher du moins d’un madrigal heureux, et comme la comédienne murmure, en croisant ses bras coquets sur sa poitrine :

— « Oh ! j’avais cru que c’était Adèle. Mais en vérité, qu’allez-vous penser de ce — manque d’habit ?

L’étoffe en est moelleuse, » dit hypocritement l’auteur, en imitant de son mieux le geste poli et impertinent de Tartuffe.


XXIX. — L’OUIE

Le voluptueux Jacques Fabry est couché sur son divan de soie brodée de couleurs adorablement pâles. Il fume du tabac d’Orient dans sa longue pipe, et de temps en temps, boit par gorgées une boisson rafraîchie avec de la neige. Dans la chambre ornée de jouets et d’objets amusants, quarante bougies sont allumées et le feu de la cheminée fait monter ses brillantes flammes. C’est la belle Laure qui a ainsi tout disposé à souhait pour que son amant ait près de lui ce qu’il désire, et le voyant parfaitement heureux, elle le baise encore sur ses lèvres, afin qu’il se sente aimé. Alors, Jacques prend le volume des Émaux et Camées, l’ouvre à la page où commence le Clair de Lune sentimental, et le tendant à son amie :

— « Lis-moi cela, lui dit-il, le plus bêtement que tu